samedi 26 mars 2011

Le gel du nucléaire dans le monde

Peut-on se passer des 17 % de la production d’électricité provenant du nucléaire dans le monde ? C’est peu probable. D’abord, parce que l’instabilité politique des pays du Moyen-Orient, producteurs de pétrole, fait peser des risques sur les approvisionnements mondiaux, comme l’a montré cette semaine le regain de tension entre l’Arabie saoudite et l’Iran au sujet de Bahreïn. Ensuite, il ne faut pas oublier que le nucléaire permet d’obtenir des tarifs compétitifs pour l’électricité dans les pays dépourvus d’énergies fossiles. En revanche, un gel des nouveaux projets nucléaires dans le monde paraît inévitable, comme après Tchernobyl, en 1986. Une nouvelle glaciation symbolisée par l’instauration, dès cette semaine en Allemagne, d’un moratoire de trois mois sur l’allongement de la durée de vie de 17 réacteurs et l’arrêt provisoire de 7 centrales anciennes.

La catastrophe de Fukushima aura des répercussions sur le modèle économique de la filière nucléaire dans les prochaines années. Seul Alstom, qui estime que sa stratégie de multispécialiste s’accommode de toutes les sources d’énergie primaire alors que les besoins électriques croissent mécaniquement, devrait être épargné. Mais EDF (absent du Japon) et surtout Areva (7 % des ventes au Japon) seront affectés par un gel de la relance du nucléaire. Leurs cours ont reculé de 10 % et 16,3 % en une semaine. Au-delà des 4 EPR en construction (un en Finlande, un autre à Flamanville et deux en Chine), les appels d’offres en cours (9 EPR et 1 Atméa) ou les négociations de gré à gré avec les Etats dans le cadre de choix de technologie (soit 13 EPR) sont hypothéqués, en premier lieu en Europe.

En France, l’EPR d’EDF de Flamanville doit être mis en service en 2014. Restent en débat l’EPR de Penly, dont le chantier n’a pas commencé, et le projet de réacteur Atméa de GDF Suez dans la vallée du Rhône, pour lequel la porte a été ouverte en février, sans calendrier précis. Chez Areva, on indique que ces décisions sont « politiques ». Elles seront très difficiles à faire passer dans l’opinion publique. Quant à l’allongement de la vie des centrales, le suspense reste entier. L’Autorité de sûreté nucléaire a entamé en octobre 2009 un audit de Fessenheim, le plus vieux réacteur français, mais n’en a pas encore communiqué les résultats. En Italie, la technologie EPR d’Areva a été choisie pour quatre réacteurs, pour le compte d’EDF, associé à parité avec Enel. Le gouvernement aurait souhaité que les premiers fonctionnent en 2020.

Mais la décision finale appartient aux Italiens. Un référendum sera organisé en juin afin de valider ce choix. Quelques mois seulement après la catastrophe japonaise, la population risque fort de répondre non, d’autant que l’Italie est une région sismique…

Les chances d’EDF et d’Areva sont un peu plus grandes au Royaume-Uni, où 18 des 19 centrales nucléaires qui doivent être fermées d’ici à 2023 seront remplacées. Six projets d’EPR ont été soumis à appel d’offres par Areva auprès d’opérateurs britanniques. Quant au premier des 4 EPR qu’EDF compte exploiter, il devait être opérationnel dès 2018, bien que les contrats ne soient pas encore signés avec Areva.

Mais le ministre de l’Energie britannique a demandé une enquête sur le parc nucléaire national. Les conclusions pourraient exiger un renforcement de la sécurité et causer des retards de chantier.
Ailleurs dans le monde, la poursuite des projets nucléaires dépendra d’enjeux nationaux. Les 4 EPR envisagés aux Etats-Unis étaient déjà mal en point depuis 2010 et la rupture de l’alliance entre EDF et Constellation. Par ailleurs, le développement du gaz non conventionnel rend le nucléaire moins compétitif.

Les chances pour EDF et Areva deviennent minimes. En Chine, les deux EPR construits par EDF avec son allié CGNPC, commandés à Areva, devraient être mis en service à partir de 2014. Mais la visibilité pour le second volet de 2 réacteurs est faible. Pékin a suspendu toute approbation de nouveau projet. L’Inde, où Areva est en phase de signature pour deux EPR sans EDF (et peut-être 4 autres par la suite) n’envisagerait pas de stopper ses plans.

Des questions se posent également pour les acteurs « collatéraux » du nucléaire, comme la SSII Assystem, qui y réalise 22 % de ses facturations. Le groupe se dit peu inquiet à court terme pour ses activités d’ingénierie. La surveillance des sites pourrait être rapatriée au sein d’EDF, pressée par des contraintes de sécurité, mais cela ne représente qu’une part « marginale » du chiffre d’affaires du groupe.

Tiré de investir.fr

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